Le lundi au soleil
Aujourd’hui, j’avais cours. Une bonne partie de la journée, alors qu’il faisait un temps incroyable. Ce n’est pas juste. Mais c’est une occasion de vous raconter mes lundis au soleil, au Naschmarkt.
Le Naschmarkt, c’est ce grand marché entre Karlsplatz et Kettenbrückegasse. Les viennois le connaissent par cœur. J’ai mis un peu de temps à le découvrir. Ce temps, je le rattrape en faisant de cet endroit une institution. Depuis quelques mois, pour moi, le Naschmarkt, c’est synonyme de lundis au soleil.
Je m’y rends vers 13h. J’y achète mes légumes. Et puis tout ce que j’y trouve. Oui, l’affreuse est une vraie fille, ce qui signifie :
- Qu’elle a la fièvre acheteuse ; tant qu’elle a des euros dans son portefeuille, elle ne s’arrête pas.
-Qu’elle craque sans vergogne sur tout ce qui a l’air bon : des piments farcis italiens – qui me rappellent ceux de ma grand-mère – aux tranches de kiwis séchés (ben oui, ça fait pas grossir, d’abord).
C’est un endroit parfait pour se sentir belle. Les marchands vous font de grands sourires : « Halo, Schatzi », (NdT : salut chérieJ ) comme ils disent. Et puis vous les ignorez. C’est un tic d’affreuse. Quand quelqu’un l’aborde – ou juste, tente d’être poli – l’affreuse se redresse, tourne la tête, et effectue ce délicat mouvement de la tête qui envoie ses cheveux valser dans les airs : L’oréal, elle le vaut bien.
Et puis elle se laisse amadouer. Surtout par les marchands de fruits secs, de fins chasseurs ceux-là. Toujours prêts à vous offrir un morceau de noix de coco ou une olive pour vous attirer entre les stands, et engager une conversation. Ce que je n’aime pas, assurément, car, certes, je peux engager la conversation en allemand, mais ils repèrent direct que je suis française. Et ça, vous le savez, ça ne fait qu’aggraver la situation.
Au moment de déjeuner avec ses copines sur la terrasse de l’un des nombreux restaurants du coin, elle a mangé tellement de fraises et autres preuves d’amour des marchands, qu’elle n’a plus faim. On s’en fout, c’est vachement bon, alors elle mange encore.
Et puis l’affreuse, avec sa bande de copines au moins aussi affreuses qu’elles, se livre à ses occupations préférées :
- l’échange de ragots croustillants
-la critique de toutes ces filles qui passent à moins d’1m de notre table, n’ont aucune allure et se prennent pour Pénélope Cruz.
- le repérage de garçons gentiment bobos assis aux tables voisines. Les sourires en coin.
- La maîtrise de la bretelle qui tombe élégamment sur l’épaule pour ne pas laisser de marque de soleil (et attirer le regard fuyant du garçon de la table d’en face, oui celui là avec les lunettes de soleil qui nous regarde).
Et puis mine de rien, le temps passe, et il est déjà 17h. Il y a encore du soleil, mais il faut s’activer. Qu’est-ce qu’on fait ce soir ? On dîne ensemble ? Qui amène quoi ? On sort après ? A qui est-ce qu’on dit de venir ?
Bon l’affreuse t’es là à 19h30. Mais pas 19h30 heure française, hein. Le vrai 19h30, pas ta version d’affreuse du 19h30.
Et moi je réponds oui, avec toujours la même moue amusée. De toutes façons elles savent qu’elles doivent m’attendre pour 19h45.